Le Boudoir de Mélane

Si jamais il vous prenait la fantaisie de vous rendre dans ce village perdu, là-bas, n’oubliez pas de prendre la route qui le traverse. C’est un peu plus loin que vous vous arrêterez, là où ne restent que quelques pans de murs envahis par le lierre. Vous trouverez sur votre droite un chemin qui serpente au travers des champs et des prés. Je vous invite à le suivre, il vous mènera à une petite clairière que la forêt toute proche n’a pas envahie et d’où vos yeux émerveillés auront le privilège de contempler notre belle vallée. Si vous n’êtes pas un promeneur émérite ne vous effrayez pas, là s’arrêtera votre promenade.

Celle que je vous invite à suivre, vous la trouverez dans ces lieux, près de vous, elle se tient, ombre silencieuse, assise sur un vieux banc, appuyée contre un tronc décharné. Certains diront qu’elle est légende mais à ces inepties, je répondrai que je l’ai connue, enfant, entourée par un père autoritaire, une mère résignée ainsi que par une merveilleuse conteuse et guérisseuse, sa bonne Nanou. C’est avec cette grand-mère qu’elle apprit à reconnaître, au hasard de leurs promenades, la camomille sauvage, l’hysope, la menthe, le thym et d’autres simples aux noms méconnus. C’est elle aussi qui l’initia aux grands secrets dont seules les détentrices du don pouvaient avoir recours. Cette grand-mère, douce et chaleureuse, lui révélera aussi l’histoire de cet anneau qu’Elle tourne inlassablement à son doigt et qui se revêt, certains soirs, d’une étrange lumière.

Pourtant, elle n’hésitera pas à abandonner ce monde de plantes, peuplé de fées, d’elfes et de lutins, pour suivre Jean, un photographe. Délaissant ce vieux savoir ancestral, elle se tournera vers la ville, jusqu’au moment où son destin la rattrapera.
Soyez patient, attendez un peu, elle vient. La voyez-vous, frêle silhouette, installée sur son banc ? Entendez-vous sa voix harmonieuse vous raconter son histoire ? Ne faites pas de bruit, chut, écoutez…